Montréal Underground Origins Blog

L’artiste Erik Slutsky sur la scène musicale du Montréal des années 60 – 70

18.12.2015

Erik Slutsky est un artiste visuel de longue date, vétéran et natif du Mile End, que l’on a rencontré à travers sa gestion du groupe Facebook New Penelope – un groupe qui dès 2013 est devenu un lieu animé de nostalgie autour de la scène musicale des années 1960, centrée autour de la légendaire salle de concert. Il a conservé ses copies d’anciens bulletins d’information du New Penelope Café, d’affiches de concert et de coupures de presse à propos de la scène musicale de l’époque en général, matériel qui a servi à déclencher le flot de souvenirs tandis que le groupe Facebook décollait en un rien de temps. Nous avons discuté au cours de plusieurs après-midis d’été à propos de ses expériences tandis qu’il grandissait à Montréal. Je lui ai demandé comment c’était de partir un groupe de musique, et comment c’était de voir tous ces formidables concerts et de voir la ville changer à partir du milieu des années 1960 jusqu’à la fin des années 1970.

ES: Être enfant à cette époque était très différent à l’époque, très différent. Jeune enfant (dans les années 1950), je prenais mon vélo partout, on a prenais nos vélos pour aller l’école et personne ne s’inquiétait des questions de sécurité. Nos parents, s’ils y pensaient, nous n’en entendions jamais parler, nous faisions strictement ce qu’on voulait. Aussi loin que je me rappelle, j’avais la liberté totale. Si nous avions faim nous courions simplement dans la maison de l’un des enfants, n’importe lequel, et nous saisissions simplement quelque chose de leur réfrigérateur et nous le mangions, et puis nous quittions. Et puis nous retournions à jouer. Personne ne pensait à nous dire que nous ne pouvions manger leur nourriture, cela semblait faire partie des choses que faisaient les enfants. Quand on y pense, de cette façon les mères n’avaient pas vraiment à s’occuper de leurs enfants pendant la journée, parce que nous étions sortis toute la journée. Si nous n’étions pas à l’école, nous étions dehors en train de jouer. Nous ne nous rencontrions pas pour faire nos devoirs pendant des heures et des heures. La vie était belle. Simple, abordable, sécuritaire, amusante.

A ticket stub from the collection of Erik Slutsky.

A ticket stub from the collection of Erik Slutsky.


LR: L’école secondaire était-elle similaire à aujourd’hui ? Secondaire 1 à 5…

ES: Tu allais à l’école primaire jusqu’en 7e année, puis tu faisais 4 ans d’école secondaire. Je suis triste que les enfants aient dû faire 5 ans à l’école secondaire, parce que l’école secondaire n’était pas un endroit où tu voulais rester très longtemps, tu voulais finir et sortir de là au plus vite. Lorsqu’ils ont retiré une année du Primaire pour l’ajouter au Secondaire, je me disais : pauvres enfants, cinq ans à l’école secondaire ? Quelle corvée. C’est une assez grande différence d’âge, c’est un mélange assez bizarre entre de jeunes de 12 et 16 ans; ils ne s’entendent pas vraiment.

LR: Les commissions scolaires étaient-elles divisées ?

ES: C’était Protestant et Catholique.

LR: Mais vous étiez d’origine Juive.

ES: C’est juste, alors je suis allé à l’école Protestante toute ma vie. Tu ne pouvais pas aller à l’école catholique, ils n’acceptaient pas les Juifs. Je ne connaissais même pas de Catholiques. Tous ceux que je connaissais étaient Protestants, à l’exception des quelques Juifs dans les écoles où je suis allé, ce qui était l’inverse de mes parents, qui sont allés à l’école Protestante mais à l’époque où tous ceux qui y allaient étaient Juifs. Mais ils sont allés à l’école dans le coin de St-Urbain, même s’il s’agissait d’écoles protestantes, où autour de 90% des élèves étaient Juifs. Mais là où je suis allé à Ville Mont-Royal (TMR) était exactement l’opposé. Nous étions peut-être 10% de Juifs et le reste était Protestant. Alors j’ai simplement grandi avec eux, et je chantais les mêmes hymnes, et je récitais la Prière du Seigneur tous les matins.

LR: Et personne ne sourcillait.

ES: Non, jusqu’à ce que je sois assez vieux pour questionner ce que je faisais à chanter Onward Christian Soldiers. Il y avait beaucoup de trucs liés à Jésus que j’aimais chanter tout simplement parce que j’aimais chanter. Nous commencions par saluer le drapeau et par chanter Dieu sauve la Reine chaque matin, puis la prière du Seigneur et puis les hymnes et puis commençait l’école. Je faisais cela pendant des années et des années jusqu’à 13 ans environ. Pourquoi suis-je en train de chanter à propos de Jésus ? Bien que je m’en foutais jusque-là parce que mes parents ne suivaient rien.

LR: Alors votre famille était assez séculaire.

ES: Entièrement. Puis un jour j’ai décidé de ne pas chanter les chansons chrétiennes. On m’a dit de recopier la même phrase 500 fois comme punition.

LR: Oh mon Dieu, pouvez-vous imaginer le procès aujourd’hui, la discrimination…

ES: Ouais, c’est une toute autre histoire. À moins que tu ne vives disons… au Saguenay.

LR: Même si maintenant, les parents poursuivent en justice les écoles qui font chanter des prières à leurs enfants.

ES: Je pense que ça va un peu trop loin parce que, tu sais, nous l’avons fait et nous sommes allés de l’avant tout simplement, nous avions d’autres chats à fouetter. Les mots ne voulaient rien dire pour nous. Si tu étais un Juif religieux, tu n’allais pas à cette école de toute manière.

TMR - Ville Mont-Royal

TMR – Ville Mont-Royal

LR: Je sais que vous étiez dans un groupe de musique alors que vous étiez assez jeune, était-ce à l’école secondaire ?

ES: Non, j’ai commencé lorsque j’avais 12 ou 13 ans. C’était à l’époque où The Beatles étaient devenus populaires internationalement. C’était un combat entre les Rolling Stones et The Beatles, alors tout d’un coup nos vies se sont tournées vers la musique.

LR: Était-ce juste après Ed Sullivan…

ES: Je les connaissais déjà avant le concert d’Ed Sullivan, et la majorité des jeunes, nous attendions tous de voir ce concert. Je l’ai vu avec mes parents. Nous l’avons vu ensemble, et plus tard nous avons aussi vu les Rolling Stones, ce qui était complètement choquant après avoir vu The Beatles… The Beatles avaient l’air propres et habillés de façon nette et correcte, de gentils garçons et Les Rolling Stones étaient considérés comme de mauvais garçons. Pour plusieurs d’entre nous, cela nous attirait vers deux directions opposées. Aime-t-on ces jeunes gentils et doux avec leurs belles chansons, ou aime-t-on plutôt les gars plus durs aux chansons plus torrides ? Nous avons basculé entre les deux, il y avait les fans des Beatles et les fans des Rolling Stones. J’avais une perruque des Beatles, je l’ai en fait porté à bord du bus allant à l’école—Pouvez-vous imaginer ?

LR: Maintenant avec quelle rapidité cela s’est-il fait ? Des gens qui sont mis à vendre des perruques Des Beatles…s

ES: Je pense que le jour où ils ont joué à Ed Sullivan, le jour d’après, il y avait des Magazines des Beatles partout, j’ai acheté des magazines des Beatles, je me suis mis tout de suite à acheter mes disques des Beatles, j’ai aussi commencé à acheter des disques des Rolling Stones dès que j’ai pu. Je ne sais pas où j’ai pu trouver l’argent, j’imagine que je recevais une allocation. Les disques étaient probablement assez peu chers. Je pense que les magasins Dominion les vendaient, Dominion tout comme Steinberg, avait une section de disques. Je pense que j’ai acheté le disque des Animals là-bas au magasin TMR Dominion. J’ai acheté les Beatles là-bas, j’avais aussi une grande collection de 45 tours. Après ça j’ai commencé à jouer dans un groupe de musique.

LR: Est-ce que cette musique se retrouvait à la radio ?

ES: Pas à Montréal. Et nous ne pouvions capter les stations américaines. Les disques et le bouche à oreille des amis et les visites au magasin de disques comme Phantasmagoria, ils jouaient des trucs tout le temps, tout ce qui était courant, et je pense que tu étais capable de l’écouter sur des écouteurs là-bas. Archambault a commencé à faire la même chose un peu plus tard.

LR: Pendant ce temps, tout le monde s’asseyait et jouait des disques et tu entendais les disques que d’autres amis avaient…

ES: Oui, bien sûr, et nous écrivions les paroles pour qu’on puisse chanter les chansons et tout. Le groupe de musique, c’était juste pour s’amuser au début – nous pratiquions dans le sous-sol de mes parents, parce qu’ils semblaient être les seuls à laisser jouer un groupe. Il y avait un batteur, et nous avions un orgue Hammond, ça avait des haut-parleurs avec un ventilateur à l’intérieur ce qui lui donnait un son particulier, ce qui était assez cool. Beaucoup de groupes utilisaient ça à l’époque. Nous avions un bassiste, un guitariste principal, un chanteur. Et puis plus tard nous avons eu une trompette et un sax lorsque des groupes tel que Chicago, Blood, Sweat et Tears sont sortis. Mon groupe a joué à ma bar mitzvah, je l’ai encore quelque part, ça a été filmé sur du 8mm. Nous nous appelions soit This Side Up ou Cold Sweat, je ne m’en souviens plus parce qu’on a changé de nom à un moment donné. Nous avions des cartes, sur lesquelles nous écrivions à la main nos noms et numéros de téléphone. Nous jouions dans mon sous-sol pour des jeunes du voisinage. J’avais déjà commencé à écrire de la musique au moment où j’ai eu 14 ans. Le groupe n’a joué qu’une ou deux de mes chansons mais je l’ai fait pour moi.

Le New Penelope a commencé pour moi en 1968, lorsque j’avais 15 ans, alors nous jouions déjà du blues quand j’ai eu 14 ans.

LR: Quelle école secondaire ?

ES: École secondaire Mont-Royal. Mon groupe a joué à ma graduation. Je me souviens que Frank Marino (qui plus tard a fait partie de Mahogany Rush), avec qui je suis allé à l’école, a joué quelques chansons avec nous là-bas. Entre les âges de 15 et 17 ans, nous avons joué dans la majorité des fraternités à McGill qui nous embauchaient, que ce soit pour un party de Noël ou pour une fête de fraternité quelconque, où on buvait beaucoup et où il y avait des beuveries.

LR: Alors ces concerts n’étaient pas des concerts où les gens payaient et s’asseyaient pour vous regarder jouer…

A listing of an appearance of Erik Slutsky's band, Cold Sweat, circa 1969.

A listing of an appearance of Erik Slutsky’s band, Cold Sweat, circa 1969.


ES: Ils dansaient et buvaient et parlaient. On nous payait, mais pas beaucoup. Les disc-jockeys n’étaient pas encore une grosse affaire. Et bien sûr, même lorsqu’ils ont commencé, ce n’était pas comme les DJs aujourd’hui, cela consistait essentiellement à faire jouer des disques.

Alors on a joué dans différentes écoles dans le cadre de divers événements… beaucoup d’églises tenaient des soirées dansantes dans leur sous-sol pendant les weekends, j’imagine qu’ils pensaient que ça pouvait empêcher les adolescents de traîner dans les rues ou quelque chose comme ça. Tous les jeunes arrivaient défoncés au sous-sol de l’église de toute façon, et personne n’était fouillé alors les gens ramenaient des boissons de toute façon. Et tout le monde était mineur, mais tout le monde s’en foutait. Après l’école secondaire nous partions au CEGEP ou à l’Université et nous devions prendre une décision : allons-nous vraiment tenter d’en faire une carrière ? Parce que si c’est le cas, nous allons peut-être devoir prendre une année sabbatique de l’école et travailler fort là-dessus, nous pensions à chercher un gestionnaire et peut-être d’en faire quelque chose de plus sérieux. Finalement, la majorité d’entre eux a décidé que non, ils ne pouvaient tout simplement pas consacrer du temps pour faire de la musique, alors nous nous sommes séparés et avons vendu notre équipement.

LR: Lorsque vous avez pris le nom Cold Sweat, je ne peux m’empêcher de présumer que c’est parce que le tube de James Brown avait alors fait sa sortie. Avez-vous joué des chansons de James Brown ?

ES: Ouais, je pense bien qu’on a joué une chanson de James Brown, l’une de ses plus connues cependant. Je me souviens davantage de cela plus tard dans le groupe, lorsque nous avons finalement eu notre section des cuivres, nous faisions beaucoup de choses du genre Blood, Sweat and Tear.

LR: Avez-vous enregistré quelque chose ?

ES: Nous avions un enregistreur huit pistes Grundig. Mais je ne pense plus avoir ces cassettes. L’appareil était dans le sous-sol de ma mère, je pense que j’ai jeté l’appareil et peut-être aussi les cassettes.

LR: Personne n’a jamais copié ni utilisé les cassettes ?

ES: Non, je ne pense pas. Cela allait être la prochaine étape. Et cela allait requérir du temps qu’on n’était pas prêt à consacrer à ça. Nous essayions juste de trouver un gestionnaire à l’époque. Nous avons eu Sheldon Kagan. Les choses allaient bien pour Donald K. Donald, alors j’imagine qu’il travaillait uniquement avec les gens qui lui étaient référés. Kagen était encore en train de chercher, alors nous l’avons fait venir pour nous écouter. Nous nous sommes séparés seulement quelques mois plus tard. Et je pense qu’il nous a bel et bien déniché quelques concerts.

LR: Avez-vous joué dans des concerts de ce genre (en train de tenir une affiche dans les mains), au Club de curling de la Place Bonaventure ? Parce qu’ils avaient 10 groupes de musique sur la facture ces jours-là.

ES: Il se peut que ce soit le cas, mais je ne suis pas certain.

LR: Étiez-vous trop jeunes à l’apogée de ces grands concerts d’une journée, hors des circuits à Côte-de-Liesse, ou à l’aréna Maurice Richard…

ES: Je pense l’aréna Maurice Richard pour certaines choses. Bonaventure était dans un secteur difficile d’accès si vous étiez sans voiture.

LR: Sur cette affiche ils montraient quel bus prendre, le 16, qui ironiquement est encore le bus passe à travers Graham à TMR (VMR). L’auditorium Saint-Laurent, qui est là où se trouve le CEGEP, semble avoir été une salle de concert assez fréquentée.

© Erik Slutsky, Mariage hippie Mont-Royal 1967

© Erik Slutsky, Mariage hippie Mont-Royal 1967

ES: Je me souviens être allé à un concert de rock à au Collège Vanier College, à l’arrière du Collège. Nous avions soit un festival de rock d’une journée complète, soit d’un weekend, je devais avoir autour de 17 ans à l’époque et j’avais arrêté d’utiliser de l’acide. Jusqu’à point, lâcher l’acide était une vraie grosse affaire pour environ deux ans, plus ou moins entre 1967 et 1969. Au moment où j’ai commencé à aller à ce Collège Vanier, c’était probablement des groupes locaux comme the Rabble qui y jouaient. Vanier avait une tente de la Croix Rouge montée, parce que beaucoup de gens finissaient par avoir des bad trips. J’ai même fait du bénévolat pour travailler pour la Croix Rouge pour aider les jeunes qui vivaient des bad trips parce que je connaissais tout à ce sujet. Certains de mes meilleurs amis avaient vécu à cause de ça des effets hallucinatoires assez traumatiques, et après cela j’ai décidé que je n’allais plus en prendre. Je me suis dis que j’avais vu des bons trips, des bad trips, que si ces jeunes ont des bad trips, je peux aider un peu. Tu n’as qu’à t’asseoir avec quelqu’un et le rassurer.

LR: Je pense que c’était principalement ça, tu sentais que tu allais rester de façon permanente dans cet état-là.

ES: Ouais, il y avait cette peur, parce que tu perds toute notion du temps. Ton esprit semble partir à la dérive. Nous avions appris grâce aux consommateurs d’acide les plus expérimentés que la meilleure chose est, ne pense pas au temps. Tu vide ton calendrier et ton emploi du temps de toute possibilité de devoir peut-être aller à la maison pour le souper, rencontrer tes parents ou ta grand-mère ou aller à l’école. Tu devais avoir ce grand et long espace, peut-être 24 heures, où tu pouvais en quelque sorte disparaître et juste laisser les choses arriver. Tu pouvais juste t’étendre sur le sol, écouter de la musique ou quoique ce soit et juste laisser cet effet hallucinatoire faire son truc. Si tu le combattais, c’est là que tu avais des problèmes.

LR: Je présume que vos parents n’en avaient aucune idée à l’époque.

ES: Non.

LR: Aviez-vous des amis avec des parents hippie ou des parents hip ou beatnik ?

ES: Non. Lorsqu’ils ont appris pour la première fois que nous fumions la marijuana, j’avais alors autour de 15, 16 ans – ils ne l’ont su que pour la marijuana, mais nous prenions aussi de la mescaline, nous prenions du speed, nous prenions des champignons, on prenait tout ce qu’on pouvait trouver—mais quand ils ont découvert, leur réaction était d’accuser un ami à moi, disant qu’il était une mauvaise influence et que je ne pouvais plus le revoir et que je devais aller consulter un psychiatre. Ce n’était pas inhabituel à l’époque d’entendre que la marijuana était la passerelle vers héroïne. Au fond, une fois que les jeunes commençaient à fumer de la marijuana, ils se dirigeaient tout droit vers leur fin. Cela paraît ridicule mais j’imagine que nos parents avaient peur pour nous. C’est semblait être tout simplement un conflit entre ces deux générations.

Bien sûr, je ne suis jamais allé voir un psychiatre. J’avais dit à mon père : D’accord, j’irais voir un psychiatre si tu arrêtes la cigarette. Il n’était pas capable d’arrêter la cigarette et je ne suis jamais allé voir un psychiatre. Et puis, d’une manière ou d’une autre, ils ont, je ne sais pas, ils se sont en quelque sorte libéralisés un peu.

J’ai fumé du pot pour la première fois, je me rappelle, à l’âge de 13 ans puis j’en ai probablement fumé tous les jours pour les prochaines cinq années. J’étais assez défoncé tout au long de l’école secondaire.

© Erik Slutsky, Mont-Royal, 1967

© Erik Slutsky, Mont-Royal, 1967

LR: Est-ce qu’il y en avait autour, ou deviez-vous aller trouver un vendeur…

ES: Nous avions un vendeur, c’était le frère d’un ami à nous. C’était juste un gars du voisinage, 5 ans plus âgé que nous. On se procurait du hash et de l’herbe auprès de lui, on en achetait habituellement en groupe. Par exemple, nous mettions tous environs cinq dollars en commun. On allait au parc le soir et on fumait, ou habituellement nous fumions du pot aux récréations à l’école secondaire, c’est pourquoi j’étais défoncé tout au long de du Secondaire. Là encore, cela ne faisait aucune différence. J’étais très bon à l’école – sauf que je m’endormais parfois en cours de dactylographie, qui était juste après la récréation ou le lunch pendant lesquels on fumait. Ma tête tombait sur le dactylo, parce que personne ne s’occupait du professeur de dactylographie. Elle ne semblait pas être quelqu’un d’important au sein de l’école. Ce n’est pas un truc gentil à dire, mais c’est ainsi qu’étaient traités les pauvres professeurs de dactylographie.

LR: Je pense que c’est en partie pour le cours en 67, 68, je veux dire nous parlons de la scène musicale, n’est-ce pas ?

ES: Ouais, et ils semblaient aller très bien ensemble. Un pause typique dans le New Penelope consistait à aller à la porte d’à côté dans le Swiss Hut, un bar/taverne et nous fumions du pot dans les toilettes. Aux urinoirs, chaque gars passait un joint au gars suivant, et souvent le gars à côté de toi se trouvait à être le guitariste de James Cotton ou le bassiste de Paul Butterfield qui était venu prendre une bière pendant la pause. On entrait prendre une bière, même si nous n’étions pas assez vieux, ça ne faisait aucune différence, tu entrais et tu buvais l’une des grosses bières et peut-être tu te prenais des foies dans un panier, si je me souviens bien. The Penelope ne servait que du café. Mais le Swiss Hut avait des allures de dépotoir.

LR: Était-ce ce qu’on appellerait aujourd’hui un bar de vieux …

ES: Probablement que c’était le cas pendant la journée, mais les soirs quand il y avait des concerts au Penelope, c’était rempli de gens du Penelope. Alors probablement de 8 à minuit, ils avaient une bonne foule venant de New Penelope. S’il y avait des vieux là-dedans, comme je le sais maintenant, 50 ans plus tard, ils ne nous étaient pas visibles dans le temps. Avec l’âge, on devient plus invisible pour les jeunes personnes. Ils peuvent regarder tout droit à travers nous, et je suppose que nous ne les avons même pas vus.

LR: Vous rappelez-vous de quand vous quittiez le New Penelope à 2h le matin ou quelque chose comme ça, c’était comment : Sherbrooke et Pine Avenue, beaucoup d’agitation ou était-ce plus silencieux comparé à aujourd’hui ?

ES: Je ne pense pas que ce soit à 2h du matin que finissaient les concerts cependant, parce que quand j’arrivais à la maison mon père m’attendait habituellement. Nous parlions des concerts par la suite avec du lait et des biscuits. C’était probablement autour de minuit.

Je n’est aucune idée de pourquoi le New Penelope n’a jamais eu de permis d’alcool. Ça l’aurait sûrement aidé (propriétaire Gary Eisenkraft), vu que ce café coûtait 10 sous le verre. Et c’était la seule chose qu’il vendait.

LR: Avait-il au moins des collations—Je veux dire, comment était-ce possible de faire de l’argent si ce n’est que pour les 3$ payables à l’entrée ?

ES: Ouais, ça coûtait 3$ pour voir Paul Butterfield. Le club pouvait accueillir peut-être, lorsque c’était plein, 150 personnes ou quelque chose comme ça ? Tout au plus. Alors, cela faisait quelque chose comme 450$, cela faisait peut-être un total de 500$ ou 600$ en une nuit. Combien payait-il à Paul Butterfield, 300$ pour une semaine à tous ces musiciens? J’ai entendu qu’il était en dette lorsqu’il a fermé. Il travaillait probablement gratuitement et mettait son propre argent espérant, je suppose, qu’à un moment donné, quelque chose arriverait. Je me demande, voulait-il un permis d’alcool ? Fallait-il payer la police pour avoir un permis d’alcool ?

LR: Ça a l’air qu’une grande partie de l’argent partait à la porte d’à-côté.
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ES: Oui, parce qu’il y avait un bon 45 minutes entre les sets. Des fois, les groupes revenaient assez saouls ou défoncés. Je ne savais rien sur Gary Eisenkraft en passant jusqu’au groupe Facebook, lorsque j’ai appris beaucoup sur lui à travers des gars un peu plus vieux que moi. Je n’arrive pas à croire qu’un gars aussi jeune que lui était capable de réaliser tout cela. De faire venir tout ce monde là-bas (pointant aux affiches). Les musiciens qui passaient par là avaient une énorme influence sur les musiciens de la ville, tant francophones qu’anglophones. J’ai appris que beaucoup de francophones assistaient à plusieurs de ces concerts (regardant un ticket pour un concert de John Mayall, Sonny Terry – Brownie McGee.)
The Student Union était un endroit assez effréné. Le McGill Ballroom aussi—j’ai appris plus tard que l’une des sœurs McGarrigle ou les deux étaient impliquées dans les spectacles de lumière au McGill Ballroom. Ils avaient ces sortes de diaporama et de spectacles de lumières, qui allaient avec les la situation du LSD à l’époque parce que tout le monde se droguait.

LR: Puisqu’on parle de fumer du pot, ce n’est jamais arrivé au Penelope ?

ES: Non, jamais. Je ne me souviens pas avoir vu quiconque fumer.

LR: Mais c’était un lieu fumeur, on ne pouvait pas avoir un panneau « fumeur » pour la cigarette je présume ?

ES: J’imagine qu’il y en avait. Je n’étais pas un fumeur à l’époque et c’est drôle comme il y a certains moments où les gens peuvent réellement ignorer les gens qui fument. Cela semble impossible aujourd’hui. Dans les années 1960, tout le monde fumait. Cela devait être assez enfumé dans le New Penelope j’imagine, je me rappelle bien être allé à des boîtes où tu marchais essentiellement dans un nuage de fumée mais on ne le réalisait tout simplement pas. J’avais l’habitude d’aller au Esquire, sur Peel proche de Sainte-Catherine. C’était un endroit assez cool.

Ninth Floor: En revisitant l’Affaire Sir George Williams, Montréal 1969  
 Ken Norris, Poète de Véhicule

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