Montréal Underground Origins Blog

Juan Rodriguez légendaire journaliste rock et son Pop See Cul

10.02.2017

LR: J’imagine qu’on parle de la vraie gauche, la gauche pure et dure…

JR: Oui, bien que de temps en temps ils fassent de bonnes choses. Ray Affleck, il était bon. C’était une personnalité que j’admirais.
Vous savez, à l’époque où il y a eu la Révolution tranquille, vous pouviez effectivement la voir – tout fleurissait, c’était tout à fait incroyable. Les jupes se sont raccourcies, l’église a commencé à ne plus avoir aucune influence. Je me souviens des années cinquante, et vous pouviez sentir « La Grande Noirceur », une atmosphère sombre sur fond de religion et de la politique quasi-nationaliste de Maurice Duplessis. Une fois qu’il est mort et que Jean Lesage est arrivé, tout a changé du jour au lendemain. Toute l’atmosphère s’est transformée.
Geneviève Bujold était l’une des icônes de cette époque, elle apparaissait dans ce film avec Yves Montand, La guerre est finie, et était l’un des symboles de toute la nouvelle génération.
Ils l’ont faite chanter dans la bande son de The Devil’s Toy, sur les planches à roulettes. J’avais un ami qui était dans le film, ça m’a donné un aperçu de toutes les choses qui se passaient. Ce film définissait parfaitement la jeunesse. C’était extrêmement libérateur, on les voit descendre le Mont Royal en planches à roulettes, c’est magnifique, vous voyez ! Quand elle chante, le temps est comme suspendu. En fin de compte, il s’agissait de défier un règlement municipal interdisant la planche à roulettes. Donc, tout le plaisir que vous avez étant jeune n’existe que pour une courte période de temps, jusqu’à ce que la ville le proscrive.
Quand j’ai grandi, ce sont les machines à boules qui étaient « une menace ». Il y avait cet endroit où j’allais sur Monkland, une crèmerie avec des machines de pinball dans la salle arrière. Cela n’a duré qu’un an ou deux, parce que tous les parents se sont rassemblés et ont dit: «Nous ne voulons pas que nos enfants fréquentent ce lieu malfamé». Par la suite le maire a annoncé que les machines à boules seraient autorisés seulement sur la rue Ste-Catherine, pour ne pas corrompre la jeunesse.
C’est la même chose aujourd’hui, quand vous avez quinze, seize ans, vous savez, l’affaire d’aller dans des endroits où vos parents n’auraient pas apprécié que vous alliez… Quand j’avais quatorze, quinze ans, ça ne posait pas de problème d’aller dans les clubs du centre-ville. On vous laissait rentrer, tant que vous ne créiez pas de problèmes, et que vous n’alliez pas vous rendre complètement saoûl et vomir partout…

Editorial from Pop See Cul number 5

LR: Je suppose que vous vous comportiez bien pour assister aux concerts !

JR: Oui, tout à fait, je sirotais ma liqueur ! Mais en 1967, il y avait de l’acide partout à Montréal et les gens ne faisaient que se promener dans l’errance de leurs esprits. En fait, je n’ai pas commencé à prendre des drogues avant d’arriver au Montreal Star en 1969, et même à cette époque, ce n’est qu’en 1970 que j’ai commencé à fumer du pot, et en 1973 j’ai commencé à prendre de la coke. La coke était certainement une des plus grandes drogues des années soixante-dix. Et bien sûr, avec la coke, j’ai commencé à boire.
Mais en 67, les gens tombaient comme des mouches soi-disant à cause des surdoses de LSD, c’était vraiment une ville pleine d’acide. Je me souviens d’un gars qui a publié un magazine – il a peut-être été impliqué avec Logos -, il est allé en Afghanistan pour ramener du hash. Il a fabriqué des sandales entièrement faites de hashish, il y avait juste un peu de broderie afghane par-dessus, et il a traversé les douanes avec les sandales aux pieds ! Ils n’avaient pas de chiens qui reniflaient les drogues dans ce temps-là…
Quoi qu’il en soit, en 67 il y avait un concert gratuit avec Jefferson Airplane et The Grateful Dead, en plein centre de la place Ville Marie. Sur cette splendide propriété, monumentale, dont l’architecturale a vraiment inscrit Montréal comme une ville moderne. Et c’est toujours une place magnifique. Chaque fois que je passe devant, j’en admire la beauté. Et vous aviez tous ces freaks rassemblés là, avec ces deux groupes qui à ce moment-là étaient numéro un et numéro deux du son de la côte ouest…

AT: Avez-vous vu l’un des gros concerts de Sam Gesser?

JR: Ouais, j’en ai vu un qu’il a vraiment regretté de faire : Janis Joplin. J’ai eu une entrevue avec Janis, et ça s’est déroulé dans une loge vide, juste moi et Janis, une heure avant le spectacle. À l’époque, on faisait les choses comme ça. Et donc, elle arrive avec une bouteille pleine de Southern Comfort. Je n’en avais jamais goûté avant, et c’était délicieux. C’était un agréable nectar liquoreux, et nous avons bu à peu près les trois quarts de la bouteille, il restait à peu près ça (signe)…

LR: Moins d’une once …

JR: Oui, et elle trippait comme dans le bon vieux temps, câlins, et tout ça…

LR: Est-ce que vous preniez simplement des notes pour vos entrevues de l’époque ?

JR: Non, j’avais un magnétophone. Et après le concert, elle a trébuché en bas de la scène, m’a enlacé, et a dit: «Man, écris-moi une bonne critique, man, je meurs sur scène, je vis et je meurs là, vas-tu me faire une bonne critique ? » Elle était très forte, et elle représentait beaucoup de choses à ce moment-là. Mais ce qui était arrivé juste avant, tel que je l’ai entendu dire par Ruth Gesser, c’est que quand elle a quitté le lieu de l’entrevue, un fan est venu la voir et elle lui a vomi partout dessus. (Rires)

LR: Je suppose que ce concert affichait complet…

JR: Oui, il y avait pas loin de huit mille personnes présentes. Elle avait son groupe, Full Tilt Boogie, et Ken Pierson (de Montréal) qui jouait des claviers. Je suis allé chez Ken, pas cette nuit-là, un autre soir, et quand il a ouvert son frigidaire c’était entièrement rempli de bière, uniquement de la bière. Et j’ai pensé (voix d’adolescent), « Ce type est vraiment cool, man ». Et c’était un gars très, très gentil.

DD: Il a joué sur « Pearl ».

LR: Est-ce qu’il vit encore à Montréal?

DD: Il habite sur la Rive-Sud. Nous nous parlions juste l’autre soir. Il a dit: «Si on avait su, avec  »Pearl » et Janis…» Ils n’avaient aucune idée qu’elle deviendrait si emblématique, ou que le groupe exploserait comme il l’a fait. Et regardez à quelle vitesse ça a fini.

JR: Oui, quand elle est morte, d’un côté c’était un choc, mais en même temps, c’était, comment dire, pas très surprenant non plus. Au moment de l’entrevue, je l’ai trouvée beaucoup plus belle que sur les photos. Elle était vraiment rayonnante, très légèrement vêtue en dessous, les cheveux longs, très longs, et les petits boutons n’étaient pas vraiment gênants…

DD: C’était une personne authentique …

JR: Oui, c’est ce qu’elle était. Elle n’était pas une fille-fille trop soignée, et quand le Musée des beaux-arts de Montréal ont présenté une exposition sur les années soixante il y a quelques années, ils ont invité sa sœur à venir déjeuner. Sa sœur était pas mal plus jeune, et elle avait exactement la même morphologie. Des hanches vraiment sexy…

LR: Pensez-vous que Janis lui aurait ressemblé sans la boisson et les drogues? (Rires)

JR: Oui. Et j’ai eu le même sentiment en voyant Mike Hendrix, parce que j’avais vu Hendrix à l’aréna Paul Sauvé.

AT: C’était avec Soft Machine et…

DD: Our Generation a ouvert pour eux je pense ?

AT: Olivus, le groupe heavy de Bruce Cockburn, il voulait gagner de l’argent avec ce genre de hard rock, ça a duré environ trois ou quatre mois, puis pfuit ! Ensuite il a commencé sa vraie carrière.

JR: Oh ben, je lui ai donné une mauvaise critique. (Rires)

LR: Avez-vous fait une entrevue avec Hendrix quand il est venu ici?

Pop See Cul number 6

JR: Non, non, j’ai juste vu le concert et c’était tout à fait incroyable. Je me demandais aussi combien de temps ça allait durer. J’ai rencontré les Beach Boys à l’hôtel Bonaventure en 68, et à l’époque j’écrivais occasionnellement pour le Hit Parader Magazine. J’ai fait environ trois articles, et l’un d’eux était avec Carl Wilson. Il était très, très perturbé à ce moment-là parce qu’il devait entrer dans l’armée, et il ne voulait pas, il allait se déclarer comme déserteur et il ne savait pas ce que les autres gars allaient penser de ça. Est-ce que ça ternirait leur image de groupe tout-américain? Il était très, très nerveux à ce sujet. Ça en était amusant.
J’ai passé la nuit avec The Beach Boys et la moitié du groupe : Dennis Wilson, je crois que Carl était là aussi, et ils avaient quelques types noirs qui les soutenaient. Nous étions à l’hôtel Queen Elizabeth, dans la salle de bal, ils faisaient leurs répétitions, et c’était la première fois que je goûtais à l’héroïne. Parce qu’il y avait de l’héroïne au sein les Beach Boys…

LR: Wow, « Surf’s Up » …

JR: J’ai eu l’héroïne, l’ai reniflée, et au moment où je suis sorti de l’hôtel Queen Elizabeth, juste devant le hall d’entrée, « BARF! »

DD: C’est la seconde histoire de vomi aujourd’hui (rires). En passant, as-tu déjà écrit pour Circus ?

JR: Hi hi hi !… J’y suis entré grâce à Richard Meltzer, et aussi Lester Bangs. J’ai écrit sur la scène montréalaise pour Creem Magazine. J’ai écrit pour tous ces magazines au moins une fois. Il y a eu Fusion Magazine, j’ai fait Rolling Stone, l’article sur Jesse Winchester, j’ai fait le Rolling Stone brittanique en 69, où je critique le livre de Nick Cohen qui est devenu une sorte de film. Tous ces magazines, aussi Crawdaddy…

LR: Vous souvenez-vous de l’histoire pour Creem?

JR: Si je me souviens bien, c’était un article sur la scène montréalaise. J’ai essayé de faire un peu plus culturel, sur les influences du français et de l’anglais, et bla et bla. En fait, on avait un accord avec Richard Meltzer, parce que Richard venait à Montréal chaque année, et je descendais à New York chaque année. Richard a fait une entrevue avec Mahogany Rush, et Tony Roman était là bien sûr. Tony a produit le premier album de Mahogany Rush. Et c’est alors que Frank Marino a monté la grosse histoire sur le fait de renaître en tant qu’Hendrix, et tout le tralala. Puis, des années plus tard, Frank a pleurniché, et s’est plaint : «Ce trou du cul de Juan Rodriguez a répandu cette rumeur sur moi et Jimi Hendrix, le salop. »

Pop See Cul on Gary Eisenkraft

John Heward  
 À la porte du New Penelope Café avec Allan Youster

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Commentaires

  1. drew duncan
    vendredi, octobre 13th, 2017
    Drew Ducan, collectioneur....c'est toi sans doute. J
  2. jean chouinard
    dimanche, juin 21st, 2020
    Juste une petite correction: Nanette Workman n'a jamais chanté sur honky Tonk woman.Par contre elle sur l'enregistrement de la chanson ''countryhonk' 'qui est en fait la version country qu'on retrouve sur Let It bleed. Jagger avait d'ailleurs changer le lieu d'origine de la chanteuse au premier couplet(Pittsburgh/Jackson)
    Nanette étant originaire de Jackson.C'est du moins ce qu'elle raconte dans son autobiographie.