Montréal Underground Origins Blog

Endre Farkas, Montréalais et Poète de Véhicule

25.11.2015

LR: Ils ne font plus ce genre de criminologie de nos jours; maintenant ils analysent la signature digitale.

EF: Et l’ADN. Alors on était davantage la commune hippie, pas celle de type politique. Il y en avait une autre – « Tournesol », je crois que ça s’appelait – qui était celle qui faisait pousser de l’herbe, où tout le monde se promenait nu et faisait pousser de l’herbe. Une année, je pense que c’était en ’74 juste avant que je revienne, nous savions que les Olympiques allaient avoir lieu à Montréal en ’76, alors on a décidé d’organiser les Olympiques du Meatball Creek Farm. Nous avons invité toutes les autres communes à venir et s’affronter. Le seul prérequis était que vous deviez représenter un légume—vous ne pouviez pas représenter une commune, ou un pays, alors c’était les carottes ou les navets ou peu importe. Nous avons eu des courses de sacs de pommes de terre, nous avions eu des compétitions de fumage d’herbe…

LR: Je peux imaginer comment cela se terminait.

EF: Nous avons perdu le compte. (Rires.) Pas de gagnants, pas de perdants! Pour les cérémonies d’ouverture, nous devions courir en se relayant sur le chemin de terre menant à notre maison, mais à chaque arrêt tu devais prendre une bouffée ou une bière. Puis tu continuais à courir.

LR: J’étais justement sur le point de vous demander si vous vous passiez un joint au lieu d’une torche.

EF: Ouais bien sûr! Alors cela faisait partie de nos vies alternatives. À un moment donné, nous avons fini par suivre un régime macrobiotique, et c’est à ce moment-là que j’ai commencé à écrire plus sérieusement.

Endre Farkas wins the potato sack race during the mock olympics held between communes in the Eastern Townships, early 1970s.

Endre Farkas est vaincoeur de la course de sacs de pommes de terre pendant les fausses olympiques tenues parmi les communes dans les Cantons de l’Est, début des années 1970.

Ce qui a fait que, au moment où je quittai la commune, j’avais un assez grand bout de manuscrit pour entrer dans le programme de création littéraire de l’Université Concordia. Le programme venait tout juste de commencer. J’ai rencontré John McCauley là-bas. C’était le premier diplômé du programme de création littéraire, j’étais le second. C’était la première année de ce programme. Tout le programme de création littéraire consistait en un seul cours. C’était Richard Sommer qui l’enseignait; c’est là que j’ai été introduit à certaines des choses conceptuelles qu’il faisait. Si vous lisez son Blue Sky Notebook, il a là-dedans un poème, « red rocking chair eats green rocking chair, green rocking chair eats blue rocking chair…» (tr. : « fauteuil à bascule rouge mange fauteuil à bascule vert, fauteuil à bascule vert mange fauteuil à bascule bleu… »). Richard était ami avec des gens comme Gary Snyder, l’un des Beats, mais l’un des Beats plus méditatifs, plus Zen. Richard était américain et nous a introduit à ses influences non-académiques.

Autour de la même période, j’ai commencé à traîner là encore autour de la galerie Véhicule Art avec Artie Gold, Ken Norris, Tom Konyves. J’avais entendu parlé de la galerie Véhicule Art après avoir rencontré une collègue, Claudia Lapp, à John Abbott. Son homme à l’époque était François Déry, un artiste visuel faisant partie du collectif à l’origine de la galerie Véhicule Art. Claudia et Michael Harris étaient les premiers à organiser la série de lecture là-bas, et puis Claudia me demanda si je voulais prendre le relais. J’ai dit oui, en autant que je puisse avoir Artie avec moi pour diriger la série, parce qu’Artie en savait beaucoup plus que moi sur la scène que moi. Alors pour quelques années, nous l’avons dirigé, et nous avons y fait venir quasiment tous ceux qui avaient publié un poème. Nous y avons fait venir les poètes locaux auxquels les universités ne faisaient pas appel, ainsi que certaines des personnes qui, plus tard, ont lu à Concordia. Nous avons eu Bill Bisset, les Four Horsemen, nous étions intéressés par ceux qui étaient « différents ». Michael Ondaatje a lu à Véhicule, nous avons même eu Ann Waldman des État-Unis.

Nous avons eu Steve Morrissey, qui était alors en train d’expérimenter avec un artiste visuel pour créer « Concrete Haikus » (tr. : « Haïkus de béton »). Ils ont amené des grues dans la galerie. John McCauley s’est fait faire moulé en plastique par un artiste visuel de là-bas. Chris Knudsen travaillait sur ma bouche. Je travaillais avec des danseurs et musiciens, Marie Chouinard a performé là, et Margie Gillis.

Alors l’influence de Richard de pair avec toute l’expérimentation des artistes de la galerie Véhicule Art m’a fait sentir que l’on pouvait faire tout ce dont on voulait.

LR: Il n’y avait pas de stress quant au fait que vous deviez faire quelque chose de plus « sécuritaire » qui vous permettrait de recevoir une subvention afin de payer les factures, ou était-ce que le coût de la vie n’était pas un enjeu aussi grand dans le temps?

EF: Ouais et le loyer était ridiculement bas.

LR: Quel était, par exemple, votre premier appartement à votre retour de la commune; combien est-ce que vous payiez?

EF: J’ai vécu sur Wilson en bas de Sherbrooke, près des chemins de fer à proximité de Maisonneuve dans un 4 et demi avec ma copine, je pense que nous payions 95$ par mois? J’enseignais l’anglais aux employés du Gouvernement fédéral. C’était la grande poussée bilingue de Trudeau, alors les francophones ont reçu de l’argent pour apprendre l’anglais. Après ça, j’ai décroché un emploi à John Abbott assez rapidement. Les CÉGEP étaient tout juste en démarrage.

LR: Ouais, ils avaient besoin de beaucoup de monde.

EF: Ouais, et c’était nous qui étions là.

LR: Alors ça ne prenait pas beaucoup de travail pour payer le loyer du mois, disons le travail d’une semaine?

EF: En fait, 20 000$ par année, c’est ce que j’ai gagné la première année.

LR: Mon Dieu, c’était beaucoup pour l’époque!

EF: Ouais. Mon ami Chris (Knudsen) a acheté un triplex sur Drolet, sur le Plateau, pour 13 000$.

LR: 13 000$! Au début des années 1970.

Emdre Farkas and Artie Gold, Mont-Royal, mid-1970s.

Endre Farkas et Artie Gold, Mont-Royal, milieu des années 1970.

EF: Ouais. C’était un quartier vraiment délabré, bien avant que ça devienne branché. Il a fait beaucoup de travaux dessus, je l’ai aidé.

LR: Beaucoup de littéraires se sont installés sur Drolet, Laval et dans les environs.

EF: Ouais, je pense que c’était vraiment pas cher, je regrette de ne pas en avoir acheté un moi aussi.

Mais pour revenir à votre point concernant les subventions: vous n’aviez pas à faire grand’ chose pour recevoir une subvention du Conseil des Arts du Canada à l’époque. Vous pouviez facilement recevoir 125$ pour faire venir un lecteur, ce qui représentait beaucoup d’argent pour l’époque.

LR: Qu’en est-il des années précédant cette ère, qui ne commença qu’autour des années ’72, ’73. Dans les années ‘60, avez-vous vu des lectures dans des lieux comme le Yellow Door? Je sais que vous avez mentionné le Café Prag à un moment donné, y avait-il des lectures là-bas?

EF: Ça c’était une maison de café, le Yellow Door avait sa maison de café mais c’était dédié dans le fond à la musique folk. Il y avait une maison de café et j’essaie de me souvenir du nom (Karma Café), c’était dirigé par des étudiants de Concordia de l’autre côté du Hall building, en bas. C’est là que je me souviens d’avoir entendu Artie Gold pour la première fois lors d’une soirée à micro ouvert.

LR: Je sais que nous avons parlé la dernière fois du fait que vous êtiez allé quelques fois au New Penelope, et aviez vu, entre autres, The Fugs…

EF: Ouais, mais ça c’était juste de la musique. The Swiss Hut à côté c’était plus du monde de l’âge de Leonard Cohen, comme une génération avant nous. Nous n’étions pas tant dans la boisson, nous étions plus intéressés à fumer.

LF: Et qu’en est-il du Square Saint-Louis et de Prince Arthur, avez-vous traîner beaucoup dans ce coin-là?

EF: Le Carré St-Louis, c’était là où se trouvait la scène de l’héroine au début, et il n’y avait pas de scène sur Prince Arthur. Ma tante avait un petit snack bar sur cette rue. Ce n’était pas un endroit branché.

LR: Je sais qu’il y avait un Club social polonais où se trouve aujourd’hui le Café Campus. Mazurka a malheureusement fermé ses portes il y a quelques années.

EF: Oh, Mazurka était le meilleur restaurant, on pouvait aller là et avoir un repas pas cher, manger autant de pain qu’on le souhaitait.

LR: On pouvait probablement manger là pour 50 sous ou quelque chose comme ça?

EF: C’était environ 2.50$ le repas et on pouvait rester là toute la soirée si on le voulait mais il ne s’agissait pas de lieux de rassemblement de la communauté littéraire de ma génération. Ça se passait davantage dans les cafés autour de McGill, et Véhicule Art les dimanches après-midi. Les soirs, on se rencontrait chez les uns les autres comme chez Artie ou chez moi ou chez Ken, nous habitions tous dans le coin. En fait, j’ai déménagé près d’Outremont sur Bernard, j’avais trouvé un endroit avec huit chambres pour 135$ par mois, juste pour ma femme et moi. Dans ce temps-là, vous pouviez avoir six chambres à coucher sur Le Plateau ou le Mile-End, mais ils ont tous été coupés en deux appartements.

Ken Norris, Poète de Véhicule  
 Allan Bealy à propos de la revue Davinci, Montréal, 1973-1974

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